FRANCOISE ROULLIER 

LA PEINTURE EN SON JARDIN SECRET 
 
 
Il y a ce jardin que Françoise Roullier confectionnait dès son enfance. Il y avait déjà, très jeune aussi, l'envie de peindre. La peinture comme sertie dans un jardin secret. 
Françoise Roullier a choyé jardin et peinture, toute sa vie. Les larges baies de son atelier de Saint-Cyr-sur-Loire s'ouvrent sur un jardin qui chemine jusqu'aux hauteurs d'un pavillon d'été. La couleur y est la bienvenue, et les teintes des saisons, les verdeurs, les rousseurs, l'élan et les langueurs. Le jeu des couleurs, comme en miroir, prend forme sur des toiles (certaines très grandes) où un bleu profond et très spécial aimante tout ce qui s'apparente aux strates de l'atelier. On voit se mêler des notes griffonnées, des papiers arrachés aux dents de leur cahier, des journaux, des lettres, des enveloppes. Tout un vocabulaire irrigue la peinture, devient peinture. S'y surajoute parfois ce que l'artiste appelle son « écriture automatique » - sismographie de son désir de créer un monde de mots qu'elle utilise en poète dans les livres peints qu'elle confectionne régulièrement et où elle inscrit une empreinte qui se conjugue aux arbres qui, depuis son enfance, l'accompagnent. 
Françoise Roullier vise-t-elle à un univers complet où l'abstraction fait bon accueil aux saillies figuratives, à la présence de corps et d'yeux qui guettent les « instants brûlants » où la peinture trouve son creuset. 
Tout s'écoule au sein d’une apparente douceur, à l'instar de la Loire toute proche. Mais la Loire restera à jamais l'apanage du grand maître voisin, Olivier Debré. Françoise Roullier ne s'attarde pas à l'étrange beauté des bancs de sable qui ponctuent la vie du fleuve. Son regard se tourne plutôt vers son jardin aux pousses multiples, sauvages parfois, et qui se muent en véritable herbier du temps. 
La peinture prend son temps. Elle monte un escalier qui nous hisse jusqu'au portail bleu de l'été . Elle aimante des couleurs sans coulées pour que règne une matière où les collages se veulent discrets. Elle s'offre comme le regard d'une femme qui rend hommage à la vie appelée à gommer ses secrètes blessures pour repartir toujours à l'assaut de ce qui intimement « signifie ». Une naissance et une renaissance constamment au défi en son jardin premier. 
 
Daniel Leuwers 

philosophe et peintre
Daniel Leuwers
critique littéraire
 peintre